Réalité virtuelle, mobile learning, adaptive learning, MOOC… jamais la technologie n’a été aussi présente dans l’univers de la formation. La voici qui fait même irruption dans le développement des compétences « transverses ».
La place de l’humain dans la formation est-elle remise en cause avec l’émergence des technologies ?
Découvrez l’analyse de Mathilde Bourdat, experte en formation :
Que préférez-vous pour apprendre : l’humain, les technologies ou des deux ?
« L’apprentissage est collaboratif : j’apprends seul, mais avec l’énergie, le soutien et l’expérience des autres » écrivait l’un des répondants. A la question « Parmi les facteurs suivants, quels sont les 3 plus importants pour vous engager à suivre une formation ? », les 1780 salariés interrogés par Cegos dans 4 pays européens en 2019 répondent « L’accompagnement par un tuteur ou un formateur » dans le top trois des réponses. C’était déjà le cas les années précédentes, et ceci quels que soient l’âge et la catégorie professionnelle des répondants. L’acte d’apprendre se joue dans la relation à autrui.
Le cerveau, organe social
Dans Neurolearning. Les neurosciences au service de la formation, N. Medjad, P. Gil et P. Lacroix montrent l’impact des relations sur les apprentissages. Depuis les années 70, expliquent-ils, « la conception du cerveau en tant qu’organe social a émergé ». En effet, « Les relations influencent et remodèlent le cerveau tout au long de la vie. Leur influence sur la neuroplasticité et l’apprentissage est désormais établie ». Ils disent également que « Notre capacité à apprendre est étroitement dépendante de la qualité de nos relations avec l’enseignant, nos pairs, la famille, les amis et la communauté. » « C’est le type de relations que (les enseignants) instaurent avec leurs élèves et l’environnement émotionnel de leur classe qui vont créer les régulateurs fondamentaux de la neuroplasticité ».
Mettre la relation au cœur de nos conceptions
La passion technologique qui s’empare du monde de la formation est-elle illusoire, un « effet de mode » ? Non. Le concepteur de dispositifs de formation doit toujours mettre au cœur de sa réflexion la qualité des échanges, des relations. Les technologies sont une aide précieuse. En effet, elles apportent une expérience immersive (réalité virtuelle), faciliter les échanges (réseau social), travailler en mode collaboratif… Elles ne se substituent pas à l’exigence de la qualité de la relation. C’est à travers elle que s’exprimera l’attention que nous portons aux participants : il est illusoire de solliciter leur attention si nous ne prenons pas le plus grand soin de celle que nous leur accordons.
Les trophées et prix décernés aux concepteurs de dispositifs de formation sont là pour en témoigner.
Ainsi, dans sa synthèse des tendances des DLEA, ma collègue Pascale BELORGEY note en premier lieu que « l’humain est au cœur des dispositifs ».
Un bon maillage entre technologie et accompagnement humain
Le dispositif Addixyz, gagnant du Grand Prix des DLEA en 2018, a été, selon moi, exemplaire. En effet, ils ont su associé l’usage de technologies (classe virtuelle, découverte de fiches techniques via QR codes…) et un fort accompagnement des apprenants, lié en particulier à l’engagement du management de proximité. Au travers du témoignage de Charlotte Segaud, Chargée de Développement RH et pilote du projet, on voit qu’il ne s’agit pas seulement de penser au dispositif lui-même (les modules, le parcours de l’apprenant …). Il s’agit surtout « d’embarquer » tous les acteurs qui vont constituer le maillage relationnel du projet. En effet, le succès d’Addixyz tient sans doute à la capacité qu’ont eu les RH à co-construire avec le management de proximité, activement mobilisé de la conception au déploiement.
L’engagement des acteurs
L’engagement des acteurs dans un accompagnement de qualité est aussi manifeste dans les trophées de la Formation Mixte Digitale (FMD), organisé par VIVEA, le Fonds pour la Formation des Entrepreneurs du Vivant. Regardez par exemple la vidéo du dispositif vainqueur, Icosystème. Il s’agit d’une formation d’agriculteurs à l’agroforesterie. Le dispositif alterne très astucieusement séquence distancielle, séquence présentielle et sur le terrain puis travail à distance en mode collaboratif. Il y a surtout l’engagement humain de toute une équipe de concepteurs, d’animateurs assurant l’accompagnement technique et pédagogique des apprenants.
La valeur ajoutée réside dans la qualité de l’accompagnement
Ce qui fait la différence entre deux conceptions, entre deux déploiements, ce n’est pas le montant investi dans la dernière technologie dernier cri. C’est la qualité de l’attention portée à l’apprenant, et la façon dont est suscitée et entretenue une dynamique positive d’apprentissage collaboratif entre pairs. « C’est dans la qualité de cet accompagnement que réside la valeur ajoutée des organismes de formation », expliquait Sylvain Vacaresse lors de la remise du Trophée FMD. Ceci demande du temps, et ceci a un coût. C’est au regard de ces coûts d’accompagnement que doit être repensé le modèle économique des organismes de formation pour les formations mixtes et à distance, indiquait-il.
Par Mathilde Bourdat
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