Article paru dans le journal économique LAVIEéco le 08 décembre 2016.
Digital learning : Entretien avec Oussama Esmili, DG d’Ideo Factory
«L’accompagnement des apprenants est la clé de voûte du succès d’un projet de formation digitale».
La digitalisation est une tendance de fond qui touche tous les domaines y compris la formation. Comment réussir la digitalisation de la formation et quels sont ses préalables ? Et surtout comment attirer les apprenants vers de nouveaux modes d’apprentissage. Eléments de réponse d’Oussama Esmili, DG d’Ideo Factory, cabinet spécialisé en e-learning.
Pour commencer, peut-on avoir une définition de ce qu’est la formation digitale ?
Le terme formation digitale ou digital learning se substitue de plus en plus au e-learning qui repose traditionnellement sur une plateforme de gestion de la formation, des modules de formation, voire de la classe virtuelle et éventuellement des actions de tutorat. Le Digital Learning est plus englobant car il touche l’ensemble du processus de formation d’une entreprise depuis l’étude des besoins jusqu’au déploiement de la formation et son évaluation. Il peut aussi signifier l’intégration de modalités pédagogiques digitales dans les formations en salle.
Quelles sont les dernières tendances en la matière ?
L’avènement du cloud est une vraie révolution. Dès que l’on sort de la logique d’acquérir la technologie, on s’en libère et on peut mieux œuvrer à l’élaboration ou au déploiement d’un contenu pertinent et surtout à l’accompagnement des apprenants. La tendance est aussi à des modules de formation plus courts, plus ciblés. On parle de micro-learning avec un usage de plus en plus généralisé de la vidéo.
Pourquoi à votre avis faut-il digitaliser la formation ?
La digitalisation est une tendance de fond de notre société, de nos administrations, de nos entreprises. Elle touche au commerce, à la communication interne, aux RH, au sourcing. La formation doit pouvoir aussi s’inscrire pleinement dans cette révolution. L’enjeu est majeur. Il s’agit de faire de la formation un véritable outil de compétitivité de l’entreprise, de modernisation de l’administration, voire d’inclusion sociale. Le digital learning peut clairement aider à cela, tout en permettant de faire des économies substantielles.
Cette nouvelle approche d’apprentissage arrive-t-elle réellement à s’imposer dans les entreprises marocaines ?
On peut dire que c’est assez cyclique, même si ces deux dernières années nous avons de plus en plus d’entreprises qui s’ouvrent sur le e-learning. Ce sont d’abord des craintes légitimes qui sont à l’origine de certaines hésitations : Est-ce un gadget de plus ? N’est-ce pas trop risqué d’y investir? N’est-il pas trop cher? Beaucoup de projets lancés précocement au Maroc ont donné raison aux sceptiques. Il faut dire que bien souvent les conditions de leur réussite n’étaient pas réunies : technologies trop lourde, un contenu inapproprié et surtout, et c’est le véritable problème, l’absence de dispositif d’accompagnement des apprenants, qui est la clé de voûte de la réussite de tout projet de formation par le digital ou e-learning.
Quelles sont les compétences clés que se doit de disposer toute entreprise pour mettre en place un dispositif de formation digitale ?
L’avantage avec le digital, c’est qu’il ne discrimine pas. Bien au contraire. Ces dernières années nous voyons arriver des demandes de PME de taille relativement modeste et qui justement ont compris l’intérêt d’une telle démarche pour elles. Il n’est pas nécessaire de disposer d’un département de formation très structuré ou encore de formateurs en interne pour pouvoir basculer dans le e-learning ou plus globalement dans le digital learning, d’autant plus qu’il est possible de se faire accompagner dans toutes les étapes du processus. Mais certaines organisations sont plus prédisposées que d’autres. Savez-vous par exemple que le ministère de l’économie et des finances dispose d’un service dédié à la formation à distance depuis plus de dix ans ? Ou encore que certaines entreprises marocaines ont des responsables de la formation digitale (Digital Learning Manager) ? Cela n’existait pas il y a à peine deux ans.
Comment réussir la digitalisation de la formation et quels sont ses préalables ?
Les préalables sont avant tout une définition claire du projet de digitalisation dans l’environnement de formation de l’entreprise ou de l’administration qui s’y intéresse. Ensuite, il faut identifier les axes de formation et les contenus et ressources disponibles. Et enfin définir les modalités à privilégier en fonction de leur pertinence à chaque étape de la formation. Au final, ce diagnostic peut tout à fait aboutir à une formation 100% en salle pour quelques thématiques, ou tout au contraire privilégier des solutions totalement numériques pour d’autres. Mais généralement, c’est vers un mix des modalités que l’on s’achemine, avec du digital non seulement en amont et en aval, mais aussi, et de plus en plus, pendant les formations en salle.
Et comment susciter la motivation des apprenants vis-à-vis de ces nouveaux modes d’apprentissage ?
La motivation est un élément central dans la réussite de tout projet de digital learning. Depuis dix ans que nous existons, c’est à la fois notre souci quotidien, et, parfois, il faut bien le dire, notre plus grand défi. Car vous pouvez bien faire les meilleurs contenus du monde, vous associer avec les plus grands cabinets de formation et disposer de la technologie la plus pointue, si au bout du compte vous n’arrivez pas à motiver suffisamment vos collaborateurs pour jouer le jeu et se former via le dispositif mis en place, votre projet sera un échec. Heureusement, cette problématique est derrière nous depuis quelques années, car nous avons véritablement œuvré à transformer le rapport à l’apprentissage en mettant l’apprenant au cœur du dispositif et en arrivant à convaincre nos clients de nous déléguer son accompagnement, son tutorat et son suivi au quotidien. Grâce au jumelage avec une communication interne efficace, nous atteignons aujourd’hui, que ce soit dans les entreprises privées ou les établissements publics, des taux de suivi très satisfaisants.
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